La scène raconte au lecteur l’histoire suivante:

Dans une pièce, un homme et une femme.

L’homme montre une photo à la femme et lui pose la question suivante: C’est qui ?
La femme marque un temps d’attente et lui répond, gênée : « c’est moi … »

Le but de la scène est de montrer que l’homme est « pressant » et la femme, gênée.

Observez deux réponses possibles …
Dans le premier découpage, on suit scrupuleusement le scénario:
1. On pose le décor
2. Puis la question de l’homme
3. Puis on zoom sur le visage de la femme (temps d’attente, début de la gêne)
4. Elle répond
5. Puis se tait alors que le zoom continue (gêne franche).
Cette mise en scène traduit fidèlement ce qui avait été demandé

jouer avec le lecteur

Maintenant observez la seconde solution…
1. On attaque directement par la question (pour le lecteur, c’est déjà une petite agression).

2. Puis, un grand blanc. L’éloignement du plan renforce le temps qui est toujours plus long sur un zoom arrière. La femme qui doit répondre essaye de fuir mentalement la pièce en regardant par la fenêtre à gauche.

3. On attend la réponse, le metteur en scène force le lecteur à la chercher sur le zoom avant, en s’approchant soudain très près du visage de la femme (montée subite de la gêne et de la tension).

4. Une reprise du plan sur l’homme montre que celui-ci n’a pas bougé un cil et attend toujours la réponse (la gêne grandit sérieusement).

5. Arrive enfin la réponse, que lecteur « vient » quasiment « extorquer » tout près du visage de la femme. Notez que l’on évite de cadrer la bouche, ce qui renforce l’idée que la réponse est à peine murmurée.

Jouer avec le lecteur, c’est la meilleure définition que je connaisse pour traduire ce qu’est la mise en scène.
Créer tantôt une complicité, tantôt des surprises, tantôt des questions.

Ou plus généralement, « désirs », « frustrations » et « satisfactions », voilà les outils du metteur en scène pour jouer avec le lecteur !