innocent

L’homme sera donc jugé sur « L’INTIME CONVICTION ». Les jurés sont attentifs, certains ont déjà une opinion arrêtée, d’autres attendent l’avis des experts…
Justement, les experts vont arriver d’un moment à l’autre… Ils ont autopsié, radiographié, analysé les échantillons, ils ont mesuré, soupesé, décortiqué et ils vont apporter « un rapport ». En réalité ils n’ont rien trouvé ni rien pu démontrer… Le médecin légiste en chef est en retard… À son bureau, il tape une énième version de la dernière phrase de son rapport…

« Malgré toutes nos investigations, nous n’avons pas réussi à démontrer clairement la culpabilité du prévenu. »
C’est-à-dire: on ne peut pas prouver qu’il est coupable, peut-être même qu’il est innocent…

Le médecin se ravise, et retape :

« Nous n’avons trouvé aucun élément qui puisse innocenter l’accusé. »
C’est-à-dire: si rien ne montre qu’il est innocent, c’est qu’il est certainement coupable…

Le médecin se ravise encore, efface et retape:

« L’état actuel de nos connaissances ne peut que confirmer l’innocence de Monsieur Victor Sénéchal. »
C’est-à-dire: à moins de prouver le contraire, il est innocent…

« Il est impossible d’établir les faits. Les éléments mis à notre disposition sont parfaitement insuffisants pour nous permettre de trancher dans un sens ou dans un autre. »
C’est-à-dire: on ne peut rien dire et c’est la faute de la police si nous les experts, ne pouvons pas vous aider… démerdez vous, nous, on s’en lave les mains!

« En conclusion, l’analyse minutieuse de toutes les pièces du dossier ne dégage aucun élément déterminant, ni sur la culpabilité, ni sur l’innocence du prévenu. »
C’est la version la plus neutre, mais qui montre que « nous les experts », nous n’avons pas été fichus de faire parler les pièces du dossier…

« Si le prévenu est effectivement le coupable, il faut en déduire qu’il aura pris soin de faire disparaître toute trace de son forfait. »
C’est-à-dire: non seulement il est coupable, mais il a voulu échapper à la justice!…

coupable

Bien entendu, aujourd’hui, les comptes rendus des experts sont formatés et encadrés… Ils ne peuvent être aussi subjectifs… (en tout cas, espérons-le vivement). C’est juste un exemple de la puissance des mots qui font pencher une même réalité des faits dans un sens ou dans un autre…

Le scénariste a ce même pouvoir sur le lecteur… Par la tournure de ses phrases, par les mots employés, il dirige l’intime conviction du lecteur tout au long du récit…

C’est parfois bon d’en être conscient…