LA NARRATION VISUELLE

Pier00

L’auteur conçoit une image, il la réalise puis le lecteur la découvre… Mais voit-il ce que l’auteur a imaginé ?

Voici une image au « style » homogène et techniquement « bien dessinée » (On pourra toujours ne pas être personnellement sensible à ce style, mais du point de vue « graphique », elle est quasiment irréprochable).

Et maintenant regardez, que voyez vous ? Que se passe-t-il ?

À peu de choses près, vous y avez vu un curé ou un pasteur (on ne peut pas le dire exactement), il se promène, probablement dans le jardin de son presbytère, (on voit une maison au fond du parc). Rentre-t-il chez lui ? peut-être, mais ce n’est pas sûr. En tout cas, il regarde, amusé un chien qui lui-même observe un papillon. Derrière le chien, il y a une peau de banane par terre …

 

Peau de banane

Voici l’image d’un autre dessinateur, au style voisin, mais techniquement un peu moins « parfaite ». Vous y avez vu sans hésitation un avocat plutôt rondouillard qui va déraper sur une peau de banane dans un jardin public !

Or voici l’extrait du scénario qui avait été proposé aux deux dessinateurs :

Case 1, extérieur jour, plan général : La scène se passe dans l’allée d’un jardin public, le personnage, un avocat à l’embonpoint prononcé, va immanquablement glisser sur une peau de banane…

Visiblement, le premier dessinateur n’a pas atteint le but fixé par le scénario. Pourquoi le premier dessin « ne marche pas » ? Voici ce que l’auteur a réellement dessiné :
NARRATION1

Que représentent ces traits, ces couleurs sur le papier ? Que lit le lecteur ?
Un homme se promène, il est habillé en noir avec un col blanc, il sourit en regardant un chien et un papillon.
On voit un parc, et au fond du parc, une belle maison.
Le lecteur en déduit ceci : Dans le jardin de son presbytère, Monsieur le curé regarde, amusé, un chien et un papillon.

Pourquoi le lecteur ne voit pas exactement ce que l’auteur a voulu dessiner ?
L’auteur avait une scène en tête (par exemple le scénario proposé).
Grâce à la représentation graphique et les techniques de dessin, il a transformé cette scène pour les traduire en image.
C’est cette image que voit le lecteur et qu’il décode. L’image n’était pas lisible.

Suivons maintenant parallèlement la création de ces deux dessins

« Pierre »
J’adore dessiner, je me lance très vite, je crayonne, je cherche un mouvement, des formes, je vois tout de suite une « gueule », un personnage…
C’est la partie du travail que je préfère !
  « Jean »
Je commence par faire un petit brouillon rapide (un rough) pour fixer ma pensée. Je peux le montrer facilement pour voir si mon image « fonctionne ».
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Le personnage est en place, je vais mettre le décor, je verrais bien de jolis buissons verts… Et pourquoi pas une maison pour que l’image soit plus riche… Je me rappelle le parc où je me balade. Je vois l’amorce d’un bel immeuble…   Ici je sais que mon image va « fonctionner », je vais maintenant chercher de la documentation pour représenter une robe d’avocat, un jardin public, une peau de banane, une malette, etc…
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Je trouve que je pourrais encore enrichir mon image, surtout en bas, Je vois très bien un petit chien rigolo que j’ai observé hier, voilà qui ferait un bel avant-plan !   Je suis prêt à passer au crayonné définitif, Je vais pouvoir ajuster les différents éléments pour affiner la lisibilité.
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La Bande Dessinée, l’illustration, le dessin animé, tous ces modes de communication utilisent un langage visuel fait de codes innombrables, d’une culture plus ou moins partagée, de bon sens, et d’un regard critique difficile à acquérir sur ses propres images.

Le but de l’école est de développer et d’enrichir votre narration visuelle.
Vous pourrez alors, dans votre propre style graphique, selon votre propre personnalité, raconter en images les nombreuses histoires qui peuplent vos esprits.